Le consortium PRINCIPASOL part à la découverte de la biodiversité locale

Nous vous proposons de découvrir cette semaine un projet accompagné par le pôle DREAM. Fatima Laggoun-Défarge, Renata Zocatelli et Jérémy Jacob nous parlent de PRINCIPASOL.

 

L’Aloe Vera… ce nom est connu de tous. La plante aux mille vertus thérapeutiques stimule notamment la production de collagène. Nous la retrouvons donc dans les compositions des crèmes anti-âge. Pour alourdir le désastreux bilan carbone de chacun de ces produits. En effet, l’Aloe Vera est essentiellement cultivée au Texas, en République Dominicaine, au Mexique et en Asie. Il en va de même pour les nombreux composants des produits cosmétiques.

Les industriels du secteur ont par exemple recours aux téguments de graines de lupins, toujours pour la stimulation de production de collagène. Or, le lupin pousse essentiellement en… Australie. Au final, des milliers de kilomètres sont aujourd’hui parcourus pour produire la moindre crème anti-âge, lotion solaire ou émulsion hydratante. Cet état de fait pousse quelques acteurs à se tourner vers notre flore locale pour y dénicher des principes actifs homologues. Parmi eux, les partenaires de PRINCIPASOL.

Plus largement, « PRINCIPASOL vise à mieux comprendre les zones humides de la région Centre (vallée de la Loire, étangs etPrincipasol_mare
tourbières de Sologne, mares de la Forêt d’Orléans) pour mieux utiliser et protéger leur biodiversité »
précise Jérémy Jacob. Le Chargé de Recherche CNRS de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans (ISTO, laboratoire mixte du CNRS et de l’Université d’Orléans) apporte au consortium ses compétences en géochimie de l’environnement.

« Car PRINCIPASOL, c’est avant tout un consortium. Une aventure associant des industriels, des chercheurs, des associations de protection de la Nature ainsi qu’un bureau d’études » poursuit Renata Zocatelli, post doctorante à l’ISTO travaillant à 100% sur le projet. Et ce n’est pas une mince affaire, puisque « les centres d’intérêt des partenaires peuvent diverger, mais doivent néanmoins s’inscrire dans les objectifs de PRINCIPASOL ».

Les industriels, tout d’abord. La filiale R&D du groupe LVMH (LVMH Recherche) et la société AROMA Technologies souhaitent « détecter des principes actifs dans la flore régionale afin de les intégrer dans leurs processus industriels ». La première est à la recherche de substances actives cosmétiques, la seconde, de nouveaux biocides ou pesticides naturels.

Viennent ensuite les associations de protection de l’environnement. Sologne Nature Environnement et Loiret Nature Environnement approfondissent via PRINCIPASOL leur connaissance de la biodiversité locale et valorisent le patrimoine naturel régional. Les « deux associations apportent notamment au consortium leurs compétences naturalistes et leur connaissance des milieux ».

Spécialiste des Systèmes d’information géographique (SIG) et de l’informatique appliquée, le bureau d’études Géo-Hyd met en place un Système d’Information Environnementale dans le cadre du projet. Le logiciel permet la gestion et la cartographie des données issues des mesures de terrain, des recherches bibliographiques, des analyses de laboratoire (moléculaires, phytochimiques…), ainsi que du SIG géo-historique.

Renata_solvantsQuatrième composante, les laboratoires de recherche. Et notamment l’ISTO, qui pilote le projet. La coordinatrice Fatima Laggoun-Défarge (chercheur au CNRS) souhaite « tirer profit du projet pour faire avancer la connaissance sur la chimie des plantes en relation avec les conditions environnementales régnant dans le milieu ».

C’est d’ailleurs sur ce point que le projet se veut le plus innovant : « identifier des substances actives nouvelles dans les produits de transformation des plantes après leur incorporation dans le sol ». Les chercheurs et ingénieurs de l’ISTO apportent ici leur savoir-faire dans le diagnostic des zones humides et dans l’analyse moléculaire des plantes et des matières organiques des sols.

Un autre laboratoire de l’Université d’Orléans participe au projet. Il s’agit du Centre d’Etudes pour le Développement des Territoires et l’Environnement (CEDETE). Les géographes du CEDETE amènent leur expertise et glanent des informations sur l’histoire des sites étudiés. « Le CEDETE permet de comprendre l’état actuel de sites d’étude par une approche historique et permet d’expliquer la démarche auprès des riverains et décideurs ».

A cette heure, les membres du consortium ont convenu d’une liste de 180 plantes à étudier en priorité. Tout a commencé en juin dernier, par un inventaire botanique (réalisé par les associations LNE et SNE) de plus de 5000 plantes caractéristiques des étangs, des tourbières et des milieux humides et fluviatiles de la Région. De ces 5000 plantes, « les 250 plus prometteuses » ont été présentées aux partenaires, qui en ont finalement retenu 180. Précisons qu’ « aucune de ces plantes n’est sur la liste des plantes rares ou protégées ».

L’échantillonnage est d’ores et déjà réalisé. Les échantillons sont nombreux, bien plus de 180, car « le prélèvement d’une même espèce issueRenata_histogramme de deux milieux différents exige d’analyser deux échantillons ». Ce point est important. Les principes actifs d’une plante peuvent dépendre du sol dont elle se nourrit comme de son environnement. L’idée est donc d’analyser, quand cela est possible, les mêmes espèces botaniques se trouvant dans différentes zones humides.

Chacun des échantillons est lyophilisé puis extrait par des solvants. Les molécules sont alors identifiées et quantifiées grâce à un nouvel outil financé en partie par le projet : la « CPG-SM ». « La chromatographie en phase gazeuse (CPG) permet de séparer des molécules présentes dans l’extrait de plantes, de sols ou de sédiments. Chaque molécule ainsi séparée est ensuite quantifiée et identifiée par le spectromètre de masse (SM) ».

Ces produits sont ensuite transmis aux industriels pour qu’ils les soumettent à des tests biologiques et en déduisent la présence (ou non) de principes actifs. Un principe actif peut être le fruit d’une molécule comme d’un cocktail de molécules. « Avec la collaboration de Géo-Hyd, nous mettons en place une banque de données qui représente pour nous un véritable outil de gestion des échantillons collectés et des molécules analysées. »

« Ce sera également un outil d’aide à la décision pour les industriels qui testent les molécules et les extraits qui leur paraissent les plus prometteurs ». Nous en sommes à cette étape aujourd’hui. La suite ? LVMH Recherche et AROMA Technologies vont retenir les produits susceptibles de présenter un intérêt pour être ensuite intégrés dans un processus industriel.

Linaigrette_Tourb_ScheyernCette dernière étape nécessitera aussi l’intervention de partenaires oeuvrant dans les domaines du génie écologique et du développement de filières. Car « à la clé, PRINCIPASOL, c’est la protection et réhabilitation des zones humides locales. Mais aussi, le rétablissement de zones rurales abandonnées et la valorisation de territoires. Et donc, des créations d’emplois ».

« L’histoire de PRINCIPASOL? C’est avant tout une idée née entre LVMH Recherche et ISTO et qui a fait son chemin au sein du cluster DREAM ». Elle s’est concrétisée par la rédaction d’un projet soumis à l’appel à projets du Conseil Général du Loiret, qui l’a retenu pour un co-financement. Cette subvention, associée à des fonds européens (FEDER) ainsi qu’aux ressources propres des partenaires du projet, représente aujourd’hui un budget global de 750 000 euros.

L’accord de consortium engage pour deux ans quatre partenaires : l’ISTO, le CEDETE, LVMH Recherche et AROMA Technologies. Chacun des acteurs dispose notamment de l’exclusivité des découvertes. « Sur le papier, c’est effectivement un projet court de 2 ans. Mais en réalité, c’est un projet de 10 ou 15 ans ». Le projet PRINCIPASOL fera donc peau neuve mi-2012. Attendons-nous à découvrir un consortium étendu. « De nombreux industriels témoignent de leur intérêt pour PRINCIPASOL. Certains nous proposent déjà des pistes de collaboration très concrètes pour la suite », conclut Jérémy Jacob.

 

Pour en savoir plus :
www-projets.isto.cnrs-orleans.fr/principasol